Comment faire briller demain les métiers d’art ?

Décryptage du plan gouvernemental et panorama breton.

Ils sont céramistes, tailleurs de pierre, diamantaires, charpentiers ou ébénistes… Les métiers d’art participent au rayonnement de la France et de ses régions. Le Gouvernement a annoncé le 30 mai 2023 une stratégie nationale sur trois ans en faveur du secteur de l’artisanat d’art. Les détails de ce plan étayés par l’interview de Jacques Bourniche, conseiller filière Métiers d’Art la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Bretagne.

« Susciter des vocations » chez les jeunes et éviter « la déperdition de certains savoir-faire », voilà les objectifs du plan national annoncé par le Gouvernement mardi 30 mai 2023. Ce plan, à l’investissement de 340 millions d’euros sur trois ans, est porté conjointement par le ministère en charge de la culture et le ministère en charge de l’économie. Il entend renforcer le soutien des pouvoirs publics du secteur des métiers d’art à travers des mesures réparties autour de cinq axes : jeunesse, formation, territoires, innovation et international.

En France, les métiers d’art représentent plus de 60 000 entreprises et 150 000 professionnels. Le chiffre d’affaires cumulé est estimé à 19 milliards d’euros en 2019, dont huit milliards à l’export.

Valoriser les métiers d’art auprès de la jeunesse

Le premier axe devrait mieux faire connaître le secteur à travers des parcours de découvertes et de pratique. Le Gouvernement propose l’ouverture de 1 000 places de stages de 3e auprès d’artisans d’art, et ce, dès la fin de l’année 2023. Objectif ? valoriser les métiers d’art auprès des jeunes, faire connaître leur potentiel de débouchés professionnels et susciter des vocations. Ces offres seront disponibles sur la plateforme monstagedetroisieme.fr.

L’orientation dans les formations des métiers d’art sera facilitée à travers des ressources de l’Onisep (L’Office national d’information sur les enseignements et les professions). Le plan prévoit aussi la création de 730 nouvelles activités métiers d’art pour les 15-19 ans via le Pass culture. Au programme également : le développement d’ateliers découverte via un réseau d’associations. Enfin, le mobilier national lancera le Petit Mob’, ateliers de sensibilisation aux métiers d’art pour les 6 à 14 ans.

Former pour transmettre l’excellence et les métiers d’art

La formation des artisans d’art repose sur la transmission de gestes et de techniques ancestraux. Afin de pérenniser la filière, le Gouvernement entend accroitre l’offre de formation continue pour les professionnels. Pour les professionnels des métiers d’art enregistrés dans les Chambres de métiers et de l’artisanat, il envisage des parcours de visites avec médiation au sein des Musées Nationaux.

Un centre de formation des apprentis (CFA) sera aussi créé dans les manufactures nationales. Il sera dédié aux métiers de la décoration. Il s’agira aussi d’ouvrir ce CFA aux métiers devenus « orphelins » de leur formation, ou en tension dans les domaines connexes de ceux des manufactures (tissage textile, orfèvrerie de table, horlogerie).Autre objectif du plan : accroître le nombre de Maîtres d’Art. Créé en 1994 par le ministère de la Culture, ce titre permet de récompenser le travail de transmission entre détenteur du geste et son élève, au sein de l’atelier. Il s’agit notamment des métiers dont il n’existe plus de formation.

L’Accélérateur « Savoir-faire d’exception » de Bpifrance est reconduit en 2024 et 2025 pour accompagner deux nouvelles promotions de 25 entreprises. Les dirigeants y structurent leur entreprise en profondeur, partagent entre pairs, et se connectent à l’écosystème de la filière.

Placer les métiers d’art au cœur des territoires

Dans le cadre de France 2030, 46,8 millions d’euros sont dédiés à la création de pôles territoriaux des industries culturelles et créatives, en majorité centrés sur les métiers d’art, du design et de la mode.

Les artisans d’art bénéficieront d’une allocation d’installation d’atelier (AIA) ou d’achat de matériel attribuée par le ministère de la Culture via les directions générales des affaires culturelles (DRAC) de leur région de résidence.

Le plan ambitionne de doubler le nombre d’entreprises labellisées Entreprise du patrimoine vivant (EPV) et de parvenir à 2 500 entreprises dès 2025.Le Gouvernement projette également un développement des indications géographiques artisanales comme Granit de Bretagne.

Soutenir la recherche, l’innovation et la création

Dans le but de faciliter l’accès aux aides, les aides à l’innovation seront cartographiées.

Afin de palier la disparition possible des gestes et techniques ancestraux, une banque de gestes numériques permettra la conservation des métiers d’art menacés.

Développer les métiers d’art à l’international

Les métiers d’art constituant des savoir-faire particulièrement valorisés et recherchés à l’étranger, l’enjeu est de les rendre plus visibles et de valoriser les échanges entre artisans français et étrangers. Par exemple, en 2025, le pavillon français à l’exposition universelle d’Osaka, au Japon, sera dédié aux métiers d’art. 

L'entretien. Panorama des métiers d’art en Bretagne

Jacques Bourniche, conseiller filière Métiers d’Art la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Bretagne, répond à nos questions.

Comment distinguer un métier d’art ?

Jacques Bourniche : La liste des métiers d’art est fixée par l’arrêté du 24 décembre 2015. On compte 281 métiers d’art au total. Ce n’est néanmoins pas toujours facile de recenser les artisans d’art. Par exemple : je travaille la pierre. Potentiellement, je peux donc être dans deux domaines. Je peux faire des murs en pierre sèche, je suis donc maçon. Dans ce cas, je suis être attaché à l’artisanat, au métier du bâtiment. En revanche, si je travaille la pierre, mais que j’en fais des statues, alors je vais pouvoir être artisan métier d’art. En Bretagne, le fichier de l’artisanat compte 80 000 personnes. On estime qu’il y en a entre 2 et 4% à exercer un métier d’art. Mais il est très difficile de les recenser, car ces chiffres sont comptabilisés sur la base du déclaratif. Et puis, les artisans font aussi souvent deux types d’activités. Une couturière peut être recensée avec son code NAF comme artisane alors qu’elle ne fait pas seulement de la retouche, elle fait aussi de la création. Les métiers d’art souffrent d’une mauvaise représentativité et reconnaissance.

Quelle est la typologie des artisans d’art en Bretagne ?

J.B. Dans la région, on n’a pas ou plus de grandes entreprises ou d’usines, qu’on appelle des manufactures, de plus de 100-150 personnes. On a de petits ateliers, avec de belles réussites telles que dans le domaine du verre à Bréhat ou Quiberon. Historiquement, on a une implantation à Saint-Jean-la-Poterie, près de Redon, car la glaise, présente sur le territoire, le permet. Il y a un vrai travail de la matière première, avec les matériaux… Pour en revenir à la taille des entreprises, elles sont assez petites : 85% des entreprises sont unipersonnelles. Les artisans y travaillent très souvent seuls ou alors deux, trois, voire cinq personnes, très rarement plus.

Quid de la formation ?

J.B. On retrouve toute une série de métiers, du CAP ou Bac pro dans des CFA rattachés aux chambres de métiers ou de commerce, voire un peu dans le privé. Dix-sept lycées publics et privés proposent aussi des formations de métiers d’art, dont le nouveau diplôme Bac + 3 DN MADE : diplôme national métiers d’art et du design. C’est un diplôme avec des spécialités comme le verre, la ferronnerie, les tissus d’ameublement…

Les métiers d’art en Bretagne, demain, c’est quoi ?

J.B. On vient de lancer une consultation pour mettre une marque pour tous les professionnels métiers d’art, qu’ils soient artistes, artisans ou libéraux. Le but est de rassembler les artisans d’art bretons un sous une bannière, les aider à être visibles. Un artisan métier d’art ne doit pas être banal, il doit produire un travail de très bonne qualité, créatif et compétitif. Il faut aussi et indéniablement que la formation soit au cœur de la réflexion afin de ne pas perdre les savoirs faire. C’est une thématique qui doit être réfléchie au niveau national en cohésion et partage avec les différents acteurs des territoires. 

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Artisans d'art en Bretagne #2

Artisans d'art en Bretagne #2

Découvrez le savoir-faire précieux des artisans d'art en Bretagne ! Un film réalisé en partenariat avec la Région Bretagne et la CMA Bretagne. Merci aux artisans : - Philippe DUPUTTE – Duo Lutherie - Martine DURAND GASSELIN – L'atelier du verre - Cédric LAMBALLAIS - Coutelier - Noël RUBÉ – Brocréateur